dimanche 25 décembre 2011

Lettre ouverte à une petite soldate du journalisme


Ou comment une journaliste veut faire pleurer dans les chaumières en colportant des informations fausses et approximatives à propos du Mediator !

Chère consœur,
Votre article paru dans le Progrès de Saint-Etienne le 18 novembre dernier a retenu toute mon attention. En tant que journaliste moi-même, je suis toujours heureux de lire des articles construits, avec un début et une fin. J’ignore quelle est votre ancienneté dans le métier mais je suis, hélas !, consterné par votre article intitulé : « Témoignage. « À cause du Mediator, j’ai les poumons abîmés à 50 %» qui traduit, à lui seul, la faillite du journalisme de proximité. En voulant faire du pathos, en mettant en scène cette pauvre dame qui n’a sans doute rien demandé et qui garde bien entendu l’anonymat, vous bernez vos lecteurs, c’est-à-dire les 1450 internautes qui ont ouvert cette page, plus les quelques centaines qui ont du avoir le Progrès entre les mains (guère plus, vu la qualité du quotidien, à part la page sport peut-être grâce à l’Asse !). En effet je suis stupéfait de lire une concaténation (si le mot est trop compliqué, prendre un dictionnaire) de fausses informations, de rumeurs et d’approximations. J’ignore ce qui vous a motivé pour écrire cet article. Il ne fait pas honneur à notre profession. Il m’a suffit de quelques minutes pour m’interroger sur le téléguidage des informations (pour qui écrivez-vous ? les deux avocats cités ? Un autre laboratoire de la région ? Ou tout simplement pour vendre du papier ?) et pour vérifier quelques informations.
Morceaux choisis :
La dame malade :
« Je consultais des spécialistes à Lyon. Et ils prenaient très chers pour prescrire de l’Isoméride. Après, comme l’Isoméride était interdit, le généraliste m’a prescrit du Mediator, en accord avec mon cardiologue. Pour le diabète, cette fois-ci. » Evidemment personne ne connaîtra le nom du généraliste, ni des spécialistes, si ils existent. Par ailleurs, c’est bien le médecin qui a prescrit le Mediator, par les laboratoires Servier. Vous auriez pu aller les rencontrer ?
« J’avais les deux valves abîmées, ainsi que la plèvre du poumon. Je suis diminuée à 50 %. Je bataille pour respirer. J’aimais aller aux champignons, mais c’est fini pour moi. Même pour monter un étage, je suis essoufflée. » Bien joué le pathos. Chacun voit bien la pauvre femme souffler pour monter les escaliers. Là, j’avoue que c’est bien, calibré M6 ou téléréalité.
« J’ai été contacté par Nanterre, mais je préfère m’adresser à un avocat de ma région. En espérant que ce ne soit pas trop long. L’argent ne fait cependant pas tout et j’espère qu’à l’avenir les médicaments seront plus surveillés. »Toujours la proximité, il faut que la rédaction du Progrès s‘adresse à ses lecteurs, c’est vendeur… Et puis le coté, « je me bats pour la santé publique », c’est beau. Mais pas très convaincant. Faut bien se cacher derrière une bonne cause.
Les avocats :
« Certaines personnes souhaitent l’indemnisation de leur préjudice, rien de plus. D’autres souhaitent que les responsables soient condamnés ». Nous sommes bien d’accord. Chacun supposera que ces avocats stéphanois iront porter le fer contre le ministère de la santé et les différents responsables, et pas seulement contre les laboratoires Servier. Le médecin traitant ? les spécialistes ? Rien de moins sûr.
« En fonction des conclusions de l’expert, si le lien de causalité entre le Mediator et le préjudice, est avéré, la victime sera indemnisée, en fonction de son préjudice. » Nous soulignons « si le lien de causalité entre le Mediator et le préjudice est avéré ». Rien de moins certain. Même le docteur Irène Frachon, notre nouvelle Jeanne d’Arc, qui doit être bien coachée par des conseillers en communication, écrit an mai 2011 que trois décès sont clairement dus à la prise du Mediator et deux autres cas sont suspects. Elle écrit cela alors que le rapport de l’IGAS sur le Mediator est diffusé au mois de janvier 2011, soit quatre mois plus tard. Y a un bug quelque part et bien entendu, personne n’a relevé la contradiction.
Continuons désormais avec la rédaction de notre consœur.
« Sur le plan pénal, une quarantaine de patients ont déposé plainte pour tromperie sur la qualité substantielle du produit, mise en danger de la vie d’autrui, parfois pour homicide ou blessures volontaires. » Certes mais alors nous sommes très loin des 500 à 2000 morts annoncés ici et là dans tous les médias avec force utilisation du conditionnel.
« Des études, qui précèdent le retrait du médicament, montrent que des effets indésirables avaient été relevés. Le laboratoire Servier avait-il connaissance de ces études, continuant cependant à commercialiser le produit ? » Là encore le manque de discernement –et sans doute de temps ou d’envie de bien faire de notre journaliste- est flagrant. Effectivement l’autorisation de mise sur le marché du Mediator est suspendue le 12 novembre 2009 puis retiré des pharmacies le 30 novembre de la même année. Mais alors comment expliquer que ces mêmes autorités ont permis la mise sur le marché des deux génériques du Mediator (Mylan et Qualimed) le 7 octobre 2009 ?
« L’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a émis une alerte rapide le 25 novembre 2009, informant de sa décision de suspendre les autorisations de mise sur le marché de tous les médicaments contenant du Benfluorex ». Il faut relire ! (cf. paragraphe précédent. De plus je vous renvoie au calendrier dressé par Anne Jouan dans le Figaro, cela devrait vous aider pour les prochains articles.
« Destiné aux diabétiques en surpoids, largement détourné comme coupe-faim, le Mediator a été commercialisé en France de 1976 à novembre 2009, par les laboratoires Servier. Il a été utilisé par cinq millions de patients avant d’être retiré du marché. » C’est sans doute la seule information juste de cet article. Encore faudrait-il savoir comment la nature initiale d’un médicament et son mode de prescription se sont transformés ? Là, notre amie journaliste Laurence Perbey, ne nous le dit pas, accentuant sciemment la confusion.
« Il a été relevé des atteintes graves aux valves cardiaques et une hypertension artérielle pulmonaire chez certains patients ayant pris du Médiator. » Vrai, mais il faudrait apporter des preuves ou des témoignages de cardiologues. Curieusement, ceux-ci se font étrangement silencieux. Contactée par nos soins, la société de cardiologie, ne souhaite pas répondre. Le seul élément tangible, c’est que depuis des années où les cardiologues opéraient, aucune anomalie significative n’est remontée jusqu’aux autorités de santé. Alors que c’est l’un des leviers de leur profession lorsqu’un cardiologue décèle une anomalie, il s’empresse d’en faire une publication médicale, ce qui est bien compréhensible. Par ailleurs, je vous renvoie aux enregistrements de la commission d’information parlementaire cf. le site de l’Assemblée Nationale, pour écouter quelques témoignages…) Là, rien. Étrange.
« Après les États-Unis, la Suisse, l’Italie et l’Espagne interdisent le médicament dans les années 90 ». Faux. Le Mediator a été retiré de ces pays parce que non rentable.
« En France aussi, les motifs d’inquiétude n’ont pas manqué. Au total, pas moins de sept notifications seront envoyées aux autorités sanitaires avec, à chaque fois, les mêmes effets secondaires : « Insuffisance mitrale » ou « insuffisance de valve cardiaque ». Effectivement, cela reste un mystère, mais nous devrions avoir confiance en notre justice, qui, n’en doutons pas, va tirer au clair tout cela. Néanmoins, nous pourrions aussi nous interroger sur la prorogation du remboursement du Mediator en 2006 par le ministre de la santé Xavier Bertrand… (Cette information, chère consœur, était aussi disponible sur Internet…)
Voilà. Pour terminer, je ne puis m’empêcher de reproduire ici, et tel quel, un commentaire (le seul, quelle audience !) paru à la suite de cet article.
Anonyme :
« je suis ecourée de voir les gens qui se plaignent du mediator ,moi je les pris pendant 5 ans pour faire baisser mes triglycerides qui a donner de bon resultat,mais le gens qui ont des problémes avec se médicament quils ont au moins honnêter de dire pourquoi il l'ont pris pour(maigrir )surtout celle qui ont que moins de 5 kilo a perdre??????arreter de nous bassiner!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »

La charte des journalistes invite ceux-ci à ne pas se substituer ni au juge, ni au policier. Chère consœur, il faudra la relire.
Bien à vous et meilleurs voeux

Sources :

3 commentaires:

  1. Dommage de s'en prendre qu'à la journaliste sans prendre le temps de comprendre le pourquoi du comment.

    Le Progrès est tenu par le groupe Socpresse, celui-là même qui est dirigé par Serge Dassault, le marchand de mort et grand défenseur de l'oligarchie.

    Vous vous attendiez à quoi au juste, venant de ce journal ? Pensez-vous que les journalistes ont la plume libre ? Un papier de ce genre n'est pas forcément synonyme de corruption, mais plutôt de résignation. Peut-on encore dire non aux consignes et aux angles aujourd'hui, vu la précarité de la profession ? Je crois que vous connaissez la réponse...

    Alors, si en tant que journaliste il vous intéresse de vous prendre à la racine du problème et de faire tomber ces colosses aux pieds d'argile afin qu'ENFIN, les journalistes puissent être LIBRES.

    Vous êtes, je crois, un de ceux que j'appellerai les "chercheurs de vérité", toujours prêt à jeter des pavés dans la mare, pour le bien de la démocratie, et pour la défense de la population.

    Allez donc jeter un oeil sur mon blog, certaines analyses devraient vous interpeller ! Et contactez moi s'il vous sied de prendre part à un projet... révolutionnaire ?


    Comme dirait l'autret : La liberté de presse, ou la mort !

    Haha, oui, je suis plein d'espoir. L'atmosphère mondiale s'y prête, les esprits se réveillent. Accompagnons les.

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  2. Merci pour votre commentaire jmoadab mais vos informations sont inexactes. Le Progrès appartient au groupe L'Est Républicain rebaptisé EBRA racheté en 2006 à Serge Dassault propriétaire du groupe SocPresse.
    Par ailleurs je suis assez d'accord sur le fond avec votre commentaire.

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  3. Ah yes exact, j'ai lu un peu trop vite... !Des retours sur votre papier ?

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