samedi 10 décembre 2011

Une belle affaire ! Le Médiator ou l’approximation organisée

Cette nuit, j’ai fait le pire cauchemar dans la vie d’un journaliste. Je me suis vu écrire un article, le publier et m’apercevoir que tout était faux. Quelle horreur ! Vous imaginez les affres de la nuit ! Sueurs et tremblements ! Il fallait que je fasse mon tour d’horizon et dénicher la bonne manipulation médiatique, celle qui fait pleurer dans les chaumières ! Pourtant à bien y réfléchir une affaire me semble bien mal tournée. Je veux parler ici de celle qui anime le monde de la santé, des organismes de contrôle et plus précisément de la pharmaco-vigilance et des gros laboratoires : GSK, Sanofi, Roche etc. En effet, comment ne pas s’interroger, devant la multiplication d’accusations contre une entreprise française, en l’occurrence les laboratoires Servier ? Je me suis toujours méfié des curées et des mises à mort médiatiques. Cela me paraît toujours suspect et trop facile de tirer sur l’ambulance. Peut-être est-ce parce que mes camarades des médias ne prennent pas assez de temps pour réfléchir et confronter ? L’affaire du Médiator me paraît un peu trop bien ficelée pour ne pas receler en elle, quelques petites compromissions, quelques défauts de procédures et quelques arrangements entre amis. C’est horrible mais je pense tout le temps à l’affaire d’Outreau. Vous vous rappelez ? Tous les médias et les politiques tiraient dans le même sens et tout le monde s’est trompé. Quand il n’y a pas de débat, c’est toujours suspect.
Petite démonstration : j’ai fait un début de recherche sur cette affaire du Mediator et sur Irène Frachon qui a lancé le pavé dans la marre. Première constatation, 115000 requêtes sur Google. Donc cela fait du bruit mais moins que DSK et le Novotel (195000 requêtes) et c’était il y a quelques jours, avant la séquence vidéo…
Deuxième recherche : je vais sur les sites de santé anglo-saxons (les mieux informés, les plus pertinents, les meilleures références etc.). Première surprise je tombe sur le site du Lancet, revue médicale et scientifique de référence (j’ai appelé un ami médecin pour m’en assurer). Nouvelle recherche sur Mediator et Servier et bonne surprise : un article d’Alain Braillon, praticien reconnu et qui n’a pas sa langue dans sa poche, et qui se demande qui il faut blâmer dans l’affaire du Mediator ? De plus dans ce court article, le médecin, se demande si le travail d’investigation a bien été mené et si l’indépendance défendue par cette commission d’experts est bien une réalité. En poursuivant mes recherches, toujours avec ces deux mots clefs « Mediator+Servier », je découvre sur le site de la bibliothèque de médecine américaine : Mitral and aortic valvular disease associated with benfluorex use. Un résumé d’articles de quelques lignes, daté du 20 mai 2011 qui explique que des complications sont envisageables avec l’absorption de Benfluorex, dérivé de fenfluramine et donc constituant le Mediator. La suite est très intéressante : To date, only three isolated clinical cases of valvular disease and two recent case-control studies have been reported in patients exposed to benfluorex. Vous avez bien lu. 5 personnes ont été identifiées comme victimes potentielles du benfluorex. Mais la surprise est de taille car l’article est cosigné par Etienne Y, Jobic Y, Frachon I, Fatemi M, Castellant P, Quintin-Roué. Frachon ? Ca vous dit quelque chose ?
Le temps passe, et cette semaine, l’activité autour du Mediator et des laboratoires Servier s’accélère. Il est vrai que l’agenda juridique (ah la fonction agenda des médias !) le permet puisque le parquet doit se prononcer sur le regroupement des procédures. Et comme par hasard, le député Bapt, pourfendeur du Mediator, cardiologue également, ancien membre du Club Hypocrate (hypocrite ?), également membre du Club Santé Avenir (voir le bon papier sur Agora Vox) se fend d’une tribune dans Libération (Mensonges et Mediator) suite à la plainte pour diffamation que lui a expédié les laboratoires Servier… Deux jours plus tard, voilà France-Info qui diffuse un sujet sur un visiteur médical qui a, à l’évidence, mal vécu son passage chez Servier. En écoutant le sujet, redoutablement vide de sens et de preuves, j’ai envie de dire à ma consœur Pauline Parmentier de France Info, que ça sent bon la stratégie de communication… Ça tombe tellement bien !
Je ne résiste pas non plus, puisqu’on m’a toujours dit que le crime est organisé !, à faire un lien avec le papier, cette fois-ci provincial, de Sud-Ouest à propos du témoignage de Céférina. Je doute que cette brave dame, dont je respecte la souffrance actuelle, nous dise vrai quand elle assure que le livre d’Irène Frachon a changé sa vie. Je ne suis pas médecin (que journaliste, oui, bon d’accord) mais quand je vois le cocktail médicamenteux qu’elle ingérait, je trouve que c’est un peu court de dire que c’est que à cause du Mediator. Bon, c’est vrai, Céférina est aussi brestoise, ceci expliquant cela. Il est probable que le docteur Frachon la reçoit assez souvent en consultation et lui parle assez peu du Lancet et autre revues spécialisées en english… Je me dis qu’il va falloir que je lise le livre d’Irène Frachon. Un ami de la rédaction me dit qu’il est disponible en ligne : chouette je vais économiser quelques euros.
En somme en quelques dizaines de minutes de recherche sur le Net, le doute s’est installé. Le cauchemar de la nuit prend forme, trouve une réalité. Si tout le monde s’était trompé dans cette affaire ? Bon, il va falloir penser à autre chose, changer d'air. DSK ? Bof, déjà vu. Les centrales nucléaires ? Euh, non ça fait peur. Les élections ? Allergie... Alors on va s’y coller à cette affaire du Mediator. Et si je faisais un tableau des acteurs. Faut que je cherche… A bientôt.

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