jeudi 21 juin 2012

Le marketing du médicament : un enjeu colossal


Confrontée à des crises à répétitions (PIP, Mediator), l’industrie pharmaceutique est contrainte de revoir ses méthodes marketing et sa manière de communiquer. 

 
Le LEEM vient de lancer une campagne d’information et de sensibilisation (également présente sur Facebook), histoire de faire un peu oublier les différents scandales à répétition dont l’affaire du Mediator n’est que le dernier avatar. Comme le souligne Christian Lajoux, président du LEEM (les entreprises du médicament) et par ailleurs président de Sanofi-Aventis France : « L’affaire du Mediator est une véritable déflagration dans le secteur. Elle remet en question la crédibilité de l’ensemble de la chaîne du système de santé : les laboratoires, mais aussi les organismes d’évaluation, les experts et les professionnels de la santé ».  C’est donc bien toute la chaine de production, analyse, évaluation, prescription, vente du médicament qui serait responsable du désastre.
Les laboratoires sont en première ligne sur ce dossier et la défiance à leur encontre est grandissante. Nous avions déjà évoqué précédemment, la manne financière de l’industrie pharmaceutique malgré les affaires à répétition qui n’ont fait qu’augmenter la défiance : Vioxx, gestion de la grippe H1N1, Avandia, hormone de croissance, sans que les autorités ne bougent véritablement… Sans oublier l’intense lobbying, ou plus pudiquement relations institutionnelles ou publiques, dont les industries du médicament font preuve. On estime entre 200.000 à 800.000€ chaque année les dépenses consacrées aux actions de pressions sur les normes institutionnelles selon une enquête de la Tribune du 4 février dernier. Il apparaît ainsi évident que la maîtrise des rouages décisionnels est d’une importance capitale dans ce secteur.
Pourtant les acteurs de ce marché hyper rentable ont du mal à faire leur propre auto-analyse. Il est vrai que les laboratoires se sont bien davantage intéressés à leurs actionnaires qu’à leurs patients.
En France, le patient ne choisit pas son médicament (c’est le médecin qui prescrit) et ne le paye pas ou seulement en partie (Sécurité sociale et mutuelle réunies). Comment expliquer dès lors faire des bénéfices pour un laboratoire, alors que la question ne se pose pas pour un médecin ou un pharmacien. Quand on sait que lorsqu’un princeps (médicament original) est concurrencé par sa version générique, le chiffre d’affaires du médicament baisse de 75%. Les laboratoires ont donc tout intérêt à développer en permanence de nouvelles molécules et mettre sur le marché de nouveaux médicaments en « marque déposée ».
Les laboratoires pâtissent de plus d’une image corporate détestable. Aucune communication n’a jamais été réellement réalisée à destination du grand public mais bien plutôt vers les milieux financiers leur garantissant une santé et une stabilité prospère. Les fusions en chaine se sont multipliés (Sanofi-Aventis et le rachat de Genzyme par exemple) au détriment des parties prenantes, des salariés et des patients. Lily France et l’un de ses cadres ont plagié une publicité d’Orangina interdite en France. « Tu vas prescrire ! tu vas prescrire ! » dit une femme panthère à un médecin apeuré. Limites de l’exercice, car il faut vendre à tout prix et ne pas laisser des parts de marché à des concurrents de plus en plus agressifs.
Les laboratoires n’ont pas vraiment la culture de la communication grand public. A part la semaine du médicament et la dernière campagne du LEEM déjà citée, rien ou si peu. Les laboratoires ont surtout une culture commerciale avec leur armée de visiteurs médicaux qui ont en face d’eux des médecins ou des pharmaciens ou des responsables de service bien plus diplômés et bien mieux payés qu’eux. Les budgets consacrés à la visite médicale en témoignent : chacun des 20000 visiteurs médicaux coute en moyenne 110.000€ par an. Avec un retour sur investissement beaucoup plus facile à quantifier qu’une campagne grand public. Le marketing de masse est donc privilégié et a contribué à développer une mauvaise image des laboratoires. Alors que le patient entretient un lien personnalisé, voire affectif avec son médecin…
La défiance constante des patients vis-à-vis des médicaments inquiète nécessairement le milieu des laboratoires. Le 1er février dernier, l’AFSSAPS ont diffusé une liste de 77 médicaments sous surveillance renforcée, accentuant ainsi le malaise. Communiquer sur des produits étant interdit en France, les laboratoires sont donc obligés de développer des campagnes d’information sur certaines pathologies (Sanofi et le diabète) ou l’exposition à la Villette sur les vaccins (Epidemik).
Enfin, le développement de l’éducation thérapeutique du patient, permettant de gérer au mieux sa propre maladie, est aussi une occasion pour les laboratoires d’investir un nouveau champ de communication, comme le site internet Diabète et ados du laboratoire Roche. Les labos se doivent ainsi d’investir le web, la santé étant le premier sujet recherché sur le Net, comme en témoigne le succès du site Doctissimo au grand malheur parfois des médecins qui y voient un concurrent « gratuit ». Ici comme ailleurs, les laboratoires ne peuvent communiquer sur leurs produits. Ils essaient néanmoins de développer des échanges avec les patients via des blogs comme Polyarthrite 2.0 (Roche et Chugai) et Ma santé en main (GSK) ou via les communautés de patients comme le réseau social Carenity.com. Tous les vecteurs de communication sont donc progressivement investis afin de toucher directement le patient.
« L’industrie pharmaceutique est trop longtemps restée au stade de la réclame. Elle doit désormais privilégier le contenu et se présenter en expert de la médico-économie » souligne Christian Lajoux, le patron du LEEM et de Sanofi-Aventis…

Sources :

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