vendredi 24 août 2012

Le pactole des marchés publics

Certaines grosses entreprises sont prêtes à tout pour obtenir de juteux marchés publics. Regard discret sur des méthodes « corruptives ».


« Voyages d’études », « relations publiques », « relations clientèles », la terminologie est suffisamment vague mais recouvre une réalité bien plus prosaïque. Chez Veolia, Colas, Bouygues, Sanofi, au SIG, la stratégie est de pouvoir entrer en contact avec le plus de fonctionnaires, si possible les plus hauts placés, pour développer des relations « amicales et de confiance » afin de présenter les meilleures offres possibles au service public. Derrière ce langage spongieux, se cachent des pratiques dignes de la mafia et de la camorra réunies. Quelques exemples : en 2005, des élus bretons sont invités au Brésil pour voir arriver Veolia-Sil engagé dans la transat Jacques Vabre. La même année, d’autres élus régionaux sont invités à visiter des stations d’épuration et des usines de retraitement en Corse. Tout cela aux frais de Veolia qui veut conserver son marché d’assainissement de l’eau en Bretagne. Autre exemple, à Metz, une instruction est toujours en cours contre un réseau de captation de marchés publics du BTP en Lorraine et au Luxembourg. Un corbeau –Patrick Malick-, chef d’entreprise du BTP, a dénoncé les pratiques illicites de ses confrères : « les patrons décidaient quelle entreprise remporterait tel ou tel marché public, en soumissionnant aux collectivités locales et territoriales une offre plus basse que toutes les autres », explique son avocat. « Tout le monde s’entendait sur les prix, et l’offre la moins-disant pouvait malgré tout être supérieure de 50% au prix du marché ». Le sénateur-maire UMP de Woippy, François Grosdidier, est d’ailleurs accusé d’avoir touché par deux fois des primes de plus de 20.000€ pour avoir organisé un « montage ».

De l’opacité à tous les étages

Mais ces exemples mis au grand jour sont rares. En effet, en matière de marchés publics, les affairent ne sont jamais dévoilés. Tout d’abord la justice, engorgée et empêtrée dans les procédures, fait passer au second plan ce type d’affaires. Ensuite les préfets, qui sont censés faire le lien entre les élus, épongent les dissensions et ne jouent pas leurs rôles. Enfin, les chambres régionales des comptes n’ont aucun moyen d’investigation pour clarifier les situations. La fondatrice d’Anticor, Séverine Tessier, dénonce « les rapports des CRC, qui comportent parfois des constations hallucinantes, jamais suivies d’effets ».

Les techniques de détournement d’argent public perdurent dans l’ombre de la loi, avec l’appui du code des marchés publics. Cahiers des charges rédigés à la va-vite, confusion des attentes demandées aux postulants voire, flagrantes contradictions. Il suffit de consulter des sites comme OSEO ou MarchésOnline et se risquer une seule fois à répondre à un appel d’offre pour mesurer l’extrême complexité des procédures. Tout est fait pour dissuader le postulant. Et pour cause. 9 fois sur 10, l’appel d’offres est déjà attribué à une « connaissance ». Mais comme la loi impose de publier un appel d’offres, alors les collectivités ou les services publics se plient à la règle mais les dés sont pipés. Si un chef d’entreprise cherche à savoir pourquoi il n’a pas été retenu, il peut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) afin de consulter les offres concurrentes. Mais le risque est grand, car il sera désormais « fiché » comme mauvais perdant et ne sera plus jamais sollicité.

Malgré les lois sur la modernisation de l’économie, le système pervers des marchés publics ne cessent de grossir et de s’amplifier et touche toutes les activités économiques. Tout récemment encore, le ministère de la Justice a confié, après « appel d’offre », son marché de communication à la même agence parisienne que pendant les trois années précédentes. On pourrait s’interroger sur la nécessité dans ce cas d’avoir pris du temps à rédiger un appel d’offre. Bon, d’accord, le patron de l’agence n’est que l’ancien conseiller en communication du ministre. Mais, promis, c’est juste un hasard !

http://www.europe1.fr/Politique/Corruption-l-UMP-Grosdidier-mis-en-examen-1183437/