samedi 17 novembre 2012

Debré, Even : des médecins dangereux pour le monde de la santé



Qui l’eut cru ? En sortant un ouvrage à sensation sur les médicaments mortels ou dangereux, les professeurs Debré et Even s’inscrivent dans la droite ligne des tandems qui font rire ou pleurer. Petit tout d’horizon des farces et attrapes des deux mandarins.

Le magazine Marianne aime le rappeler : « le regrettable privilège d’avoir vu s’écouler quelques décennies offre parfois le plaisir cocasse de se souvenir de faits, d’évènements et de personnages du passé qui réapparaissent métamorphosés dans notre présent… Sur le sujet des médicaments, Philippe Even est en effet un spécialiste : il fut l’un des acteurs d’un retentissant scandale politico-sanitaire des années 80, l’affaire de la ciclosporine, sous le premier septennat de François Mitterrand. Le 29 octobre 1985, en compagnie de deux collègues, ils organisaient avec le Ministère des Affaires sociales de Georgina Dufoix une conférence de presse annonçant un remède miracle contre le sida, en balayant avec une désinvolture insensée le bilan « inefficace » des chercheurs travaillant sur cette nouvelle maladie, dont ils ne faisaient pas partie. »

En ce qui concerne Bernard Debré, il convient de relire le livre d’Odile Plichon (1). Extrait : «En 2012, le cas de l’urologue Bernard Debré, 67 ans, interpelle, tant sa liberté paraît absolue. Le député UMP de Paris, réélu en 2007, dirige depuis plus de vingt ans le service d’urologie de l’hôpital Cochin… Nommé PU-PH [professeur d’université-praticien hospitalier, ndlr] en 1980, ce chirurgien est par ailleurs membre du comité consultatif national d’éthique ainsi que de l’Académie des sciences d’outre-mer. Ajoutez à cela une volumineuse activité libérale à l’hôpital : en 2008, les patients privés de Bernard Debré lui ont rapporté jusqu’à 280 000 euros ! Enfin, depuis 2004, ce proche de Jacques Chirac, qui semble avoir un extraordinaire don d’ubiquité, est chef de service honoraire de… l’East Hospital de Shanghai (Chine). […] "J’y vais trois fois par an pendant une semaine, et mes assistants trois fois par an chacun, comme cela, nous assurons une présence tous les mois", détaille aujourd’hui le Pr Debré, qui confirme y "emmener" des infirmières de l’AP-HP : "J’ai obtenu l’accord de la maison pour qu’elles partent sur leur temps de travail", certifie-t-il. Mais quel est l’intérêt, pour les contribuables, de voir des infirmières ou des chirurgiens parisiens s’envoler pour l’Asie ? Là, l’urologue voit rouge : "Vraiment, vous vous foutez du monde ? Votre question est stupide : laser, matériel, équipement… Tout est français là-bas. L’intérêt, Madame, c’est le commerce extérieur de la France !"»

Lanceurs d’ego

On l’aura compris les casseroles des Dupont et Dupond de la gélule ne sont pas juste que des rumeurs. Et il est extrêmement étonnant de voir tant de place accordée sur les plateaux de télévision aux Boule et Bill de la pharmacopée désormais surnommés des lanceurs d’alerte. D’ailleurs les commentaires sur les réseaux sociaux sont nombreux comme ce monsieur, malade depuis des années d’une maladie orpheline : « Détruire la confiance placée chez les professionnels de Santé que sont les médecins ou les chercheurs, est une entreprise qui ne peut qu’être suspectée de servir des intérêts cachés, financiers ou politiques, sans aucun respect pour la souffrance des patients, sans aucune considération pour les hommes et les femmes qui exercent leur métier dans la plus grande probité et avec le souci de soulager et de guérir. Le qualificatif même de "Lanceur d’alerte" est une hérésie ; comment peut-on faire croire que des individus soit disant "héroïques" révèlent des scandales et portent le combat contre des puissants au nom de l’ensemble de la société ? N’est-ce pas une vision réductrice et singulièrement partiale du monde ? Nous sommes des milliers, des millions dans notre société, à veiller à la bonne marche des choses, au service du plus grand nombre, à lancer des alertes quotidienne et à son niveau, à résoudre les problèmes, chacun spécialiste de son métier, de son secteur. J’avoue être septique sur les "révélations" de Debré, Even, Séralini ou même Frachon et consorts. Ils mènent le combat mais envers et contre tous… »




Le Monde les surnomment les tontons flingueurs du médicament. Il est vrai que Bonnie & Clyde cumulent les erreurs de parcours, les raisonnements de première main et les stratégies promotionnelles hollywoodiennes au grand dam de nombreux praticiens hospitaliers et des médecins généralistes qui ne se reconnaissent en rien dans cette médecine spectaculaire.

Ainsi le docteur Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMFil reproche à Even ses recommandations sur les statines, à la fois sur le fond mais aussi sur la forme. « On n’est pas trop d’accord avec les méthodes qu’il a utilisées parce qu’il y a quand même un code de déontologie médicale et quand on s’adresse à la population, on doit faire attention à l’information qu’on délivre. On peut constater dans nos cabinets de médecins généralistes que les personnes âgées sont particulièrement inquiètes notamment pour ce qui concerne la prescription de statines. On ne traite pas le cholestérol, on prévient un accident vasculaire cérébral et ce n’est pas rien de dire à la population, "arrêtez de prendre les statines". Les gens sont inquiets. »

Vieilles références

Ou encore le professeur Alain Didier, Président de la Société de pneumologie de langue française, pneumologue à l’hôpital Larrey de Toulouse, qui, dans le Quotidien du médecin du 17 septembre 2012, s’étonne de la datation de certaines études mentionnées dans le livre sur les médicaments. Il épingle les auteurs dont l’argumentation s’appuierait sur des études anciennes et omettrait certains résultats récents. « En ce qui concerne la désensibilisation, les commentaires négatifs auxquels se livrent les auteurs, et sans doute surtout le Pr Even, puisqu’il fut un temps pneumologue, s’appuient sur des études qui, de l’aveu même des rédacteurs, datent de 1985. L’allergologie a toujours été la bête noire de Philippe Even et manifestement, les années passant, elle le reste. Les extraits de phrases sur lesquels repose ce pseudo-argumentaire, sortis de leur contexte, ne veulent rien dire.

Enfin, devant une telle débauche d’énergie, entre promotion, consultations et conférences, chacun serait en droit de s’interroger sur l’hyperactivité de Tic et Tac. Ainsi le docteur Marc Girard s’étonne : « Lors de la dernière émission C dans l’air à laquelle j’ai participé, voici pas plus d’une quinzaine de jours, on y a entendu que certain livre sur les médicaments aurait coûté à son principal auteur "plus de dix mille heures en un an", soit plus de 27 heures par jour sept jours sur sept, auxquelles il convient d’ajouter le temps considérable passé par le même à commenter le pseudo scandale Médiator dans les médias, plus celui inhérent à la rédaction d’un certain rapport sur la réglementation pharmaceutique. A cet emploi du temps surhumain, il faut également ajouter l’exploit de lire "intégralement" chaque semaine "les dix ou vingt plus grandes revues médicales internationales" (Le Monde, 20/09/12), besogne qui, à elle seule, doit occuper 10 à 12 heures par jour tous les jours... »

En somme, dans un monde des médicaments en souffrance, le livre de Tom et Jerry, en lieu et place de rassurer, ne fait que déstabiliser encore un peu plus un secteur fragilisé par les scandales. A force de jeter de l’huile sur le feu, il y a fort à parier qu’une nouvelle loi ravage un domaine compétitif en mettant au chômage des milliers de salariés. L’effet papillon aura donc bien lieu…





(1)    Le Livre noir des médecins stars, par Odile Plichon, Stock, 392 pages


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